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150 millions d’euros en plus pour la recherche publique

Troisième projet de loi de finances rectificative pour 2020 : article 9


Cet amendement vise à abonder les moyens de la recherche publique, notamment de ses deux grands opérateurs, le CNRS et l’Inserm.


Mes chers collègues, il faut que vous compreniez bien dans quelle situation paradoxale se trouve la recherche française. Nos collègues allemands, pour ne prendre que cet exemple, ont investi 4 milliards d’euros dans la recherche médicale, pour trouver un vaccin et des thérapies. Dans notre pays, le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, pour l’instant, n’a mobilisé que 50 millions d’euros, sur ses réserves. En d’autres termes, il n’y a pas eu d’abondement par l’État du budget du ministère en faveur de la recherche médicale.


Alors que nos citoyens demandent à la science de leur proposer demain, pour sortir de cette pandémie, des solutions thérapeutiques et un vaccin, notre pays n’investit pas dans cette recherche. C’est absolument catastrophique !


Par ailleurs, je tiens à souligner une aporie du Gouvernement : il nous explique qu’il va investir massivement dans la recherche – 28 milliards d’euros en dix ans –, mais il est incapable, l’année de la pandémie, de prévoir des crédits pour la recherche sur les thérapies et un vaccin… C’est complètement absurde !


Monsieur le ministre, si le Gouvernement estime, comme la ministre de la recherche l’a affirmé hier à 8 heures 43 sur une radio nationale, que l’investissement dans la recherche est une nécessité absolue, pourquoi ne pas commencer en 2020, année de la pandémie ? Pourquoi reporter l’effort financer dont nous avons besoin maintenant ?


Le projet de loi de finances rectificative prévoit 85 millions d’euros pour la recherche aéronautique et 30 millions d’euros pour Bpifrance, dont 10 millions d’euros pour les batteries. Il y a donc bien de l’argent pour la recherche : mais, si j’aime beaucoup l’aéronautique et les batteries, je ne pense pas que ce soient elles qui nous sauveront face à la pandémie…


Je ne comprends pas pourquoi vous faites le choix politique de réinjecter presque 100 millions d’euros sur des recherches qui peuvent être différées en 2021, alors que vous ne prévoyez pas, maintenant, les crédits indispensables pour faire face à la pandémie !


Mme Cathy Apourceau-Poly. Très bien !


Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?


M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Il me semble que la question s’adresse au ministre plus qu’au rapporteur général... Nous demandons l’avis du Gouvernement.


Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?


M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Le Gouvernement présentera prochainement la loi de programmation pluriannuelle de la recherche, dont les crédits s’élèveront à 400 millions d’euros par an dès l’année prochaine. Cette année, nous redéployons des crédits.


Je puis vous assurer, monsieur le sénateur, que les équipes de recherche françaises sont à pied d’œuvre et que, contrairement à ce que vous avez dit, elles sont accompagnées par l’État. L’avis est défavorable.


M. Vincent Éblé. Il ne suffit pas de l’affirmer, il faut le prouver !


Mme la présidente. Quel est donc l’avis de la commission ?


M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Dans l’attente de ladite loi de programmation, la commission demande le retrait de cet amendement.


Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.


Mme Sophie Taillé-Polian. Vous demandez le retrait de cet amendement en attendant la loi de programmation, mais, comme M. Ouzoulias l’a bien expliqué, il y a urgence.


M. le ministre nous dit que la recherche française va très bien – « Circulez, il n’y a rien à voir ! » Il me semble toutefois que la recherche française se mobilise et s’inquiète, et cela depuis de nombreuses années, et que malgré l’annonce du projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche, cela ne fait que s’amplifier. Vous ne pouvez pas dire que tout va bien, alors que la situation n’est pas très favorable et que les chercheurs sont inquiets. Il faudrait répondre tout de suite à l’urgence.


Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.


M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le ministre, votre réponse fait peser un doute quant à la sincérité des objectifs de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche. Si vous êtes incapable, en 2020, c’est-à-dire l’année de la pandémie, d’allouer des moyens à la recherche d’un vaccin, comment peut-on croire à la volonté réelle de votre gouvernement d’investir massivement dans la recherche pour les années suivantes ?


Le professeur Mattei, président de l’Académie nationale de médecine, souligne qu’il faut remédier de manière urgente au déficit majeur de financement public de la recherche médicale. C’est maintenant qu’il faut le faire !


Il est incompréhensible que l’Allemagne investisse à hauteur de 4 milliards d’euros, chers collègues, et que nous nous soyons incapables, dans le cadre de cette loi de finances rectificative, d’injecter ne serait-ce que 150 millions d’euros.


Vous condamnez la France à attendre d’un grand groupe pharmaceutique la mise au point d’un vaccin, puis à quémander dans l’espoir de lui acheter des doses. Vous l’avez bien compris, Sanofi vendra au plus offrant, c’est-à-dire, en l’occurrence, pas à la France qui n’investit pas dans la recherche.


En matière de recherche, la concurrence est aujourd’hui internationale. Cet argent que l’on ne consacre pas à la recherche place la France dans une position défavorable pour la négociation de l’achat du futur vaccin, car je peux vous assurer que Sanofi ira au plus offrant, c’est-à-dire vers l’Allemagne, qui met 4 milliards d’euros ou vers les États-Unis, mais pas vers la France qui en met zéro.


Vous envoyez un message extrêmement négatif à toute la population française qui attend aujourd’hui de sortir de cette pandémie par la science et par le haut, avec un espoir thérapeutique et un espoir de vaccin. Ce zéro est catastrophique.