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Madame la Ministre, abandonnez vos dogmes, investissez dans la recherche publique !

Projet de loi de finances pour 2018 : recherche et enseignement supérieur

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’examen de la proposition de budget de la mission « Recherche et enseignement supérieur » intervient vers la fin du débat budgétaire. Nous allons donc apprécier votre intervention à l’aune de celles de vos collègues qui vous ont précédée à cette tribune.


Le novice que je suis en cette matière est surpris de découvrir les capacités miraculeuses de cet hémicycle. En effet, alors que M. Darmanin, votre grand argentier, a déclaré que, pour la première fois depuis des années, son gouvernement avait eu le courage « d’inverser la courbe de la dépense publique », la plupart de vos collègues nous ont expliqué que leur budget avait été épargné… Entre le vote des recettes et la discussion des dépenses, environ 7 milliards d’euros d’économies ont disparu. Cet hémicycle a donc la faculté de transformer les « moins » en « plus » !


Dans cette logique, madame la ministre, vous allez donc nous expliquer que votre budget est un budget de transformation dont les missions essentielles ont été sanctuarisées. Je vous rassure : votre budget, comme la plupart de ceux qu’ont défendus vos collègues, recevra une large approbation de cette assemblée. Seul notre groupe votera contre !


En effet, nous pensons que votre projet de budget se situe dans la lignée de ceux des précédents gouvernements et qu’il consacre l’abandon par la France de la stratégie européenne, dite « de Lisbonne », dont l’objectif était de promouvoir une économie de la connaissance.


Alors que nombre de nos partenaires européens ont augmenté, parfois dans des proportions importantes, la part des dépenses publiques destinées à l’enseignement supérieur et à la recherche, la place de la France reste médiocre. Elle a même reculé dans certains domaines.


Ainsi, la part des dépenses des établissements d’enseignement supérieur dans le PIB est inférieure à la moyenne de l’OCDE. Plus grave encore, la dépense annuelle par étudiant est en baisse continue depuis 2009.


Loin de vos déclarations et de l’annonce d’un plan massif en faveur de l’université, la dure réalité des chiffres de votre budget fait apparaître une baisse, en euros constants, des dotations des établissements universitaires.


Plus grave encore, aucune création de postes n’est prévue. Non seulement les universités ne seront pas davantage aidées pour faire face à l’afflux de 35 000 étudiants supplémentaires, mais encore aucun moyen supplémentaire ne leur est octroyé pour mettre en œuvre les dispositifs imposés par la réforme de l’accès à l’université dont nous aurons à débattre prochainement.


Pour bien apprécier l’extrême gravité de la situation, j’aimerais rappeler que des experts de tous bords estiment qu’il faudrait entre 700 millions d’euros et 1 milliard d’euros supplémentaires pour permettre à l’enseignement supérieur de maintenir ses capacités d’accueil.


La situation de la recherche, dont le budget baisse également en euros constants, n’est pas meilleure. Vous avez fait le choix contestable de favoriser des structures dont l’efficience n’est pas avérée, comme l’ANR ou les communautés d’universités et établissements, les COMUE – celles-ci feront l’objet de l’un de mes amendements –, aux dépens d’opérateurs historiques qui auront à subir, comme tous les ans depuis trop longtemps, de nouvelles réductions de moyens et de postes.


Cet acharnement confine à l’absurdité quand il s’agit de l’Institut de recherche pour le développement, dont le budget baisse de plus de 1,5 %, alors qu’il joue un rôle essentiel dans l’action de la France à l’étranger, c’est-à-dire l’un des objectifs prioritaires du Gouvernement.

Par ailleurs, je suis très inquiet de la situation très dégradée de l’emploi public dans les domaines de la recherche et de l’enseignement supérieur. Les suppressions de postes de chercheurs, l’absence de recrutement nouveau, la baisse des postes ouverts au concours du CAPES et la dégradation des conditions financières et matérielles des agents dissuadent de plus en plus les étudiants de se tourner vers toutes ses professions.


Cette crise continue des vocations se traduit par une baisse du nombre des titulaires d’un doctorat, ce qui est très inquiétant pour l’avenir de notre recherche.


Une autre politique est possible, pas en Utopie, mais dans l’Europe d’aujourd’hui !


Depuis des années, un dogme bien ancré dans les esprits impose de considérer la dépense publique comme un mal qu’il faudrait combattre. Il y aurait, comme pour le cholestérol, une « bonne dépense », qui serait privée, et une « mauvaise dépense », qui serait publique. Cette dernière, comme le mauvais cholestérol, conduirait à la sclérose – je vous rappelle certains propos sur la graisse du mammouth…


Partant de ce principe, il suffirait donc de transférer de l’argent public des opérateurs de l’État vers la recherche privée pour dynamiser tout le système. L’examen des évolutions de notre recherche depuis dix ans montre, sans conteste, que cette stratégie a échoué. Nous avons affaibli notre recherche publique sans favoriser la recherche privée, bien au contraire.


Notre voisin, la Belgique, a mis en œuvre une stratégie inverse avec une éclatante réussite, puisqu’elle est devant nous dans le classement des pays affectant la plus grande part de leur PIB aux dépenses totales de recherche et développement.


Autrement dit, l’investissement massif dans la recherche publique a eu un effet d’entraînement très efficace sur la recherche privée.
Cet effet de levier a été observé non seulement en Belgique, mais aussi dans tous les pays où des politiques similaires ont été engagées.


Alors, madame la ministre, abandonnez vos dogmes, soyez pragmatique et investissez largement dans la recherche publique. Ce sera bénéfique non seulement à notre économie, mais aussi à notre jeunesse, qui a tant besoin que la science et la connaissance redeviennent un projet de vie.