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Cette instance n’a jamais pu jouer le rôle qui lui était dévolu

Avenir de l’institut français



Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dans un rapport dont je souligne, à mon tour, la grande qualité, et qui a été déposé en février dernier, nos deux collègues Jacques Legendre et Hélène Conway-Mouret soulignaient avec une certaine gravité le décalage structurel existant entre, d’une part, les missions généreuses de l’Institut français, et, d’autre part, la disparition rapide et considérable des moyens dont il disposait pour les satisfaire.


Le projet de budget pour l’exercice 2018 ne corrigera ni n’atténuera ce décalage, qui pose le problème de la sincérité du contrat d’objectifs et de moyens. Notre débat d’aujourd’hui est sans doute destiné à sanctionner sa nature chimérique.


Il faut rappeler que la loi de juillet 2010 consacrait l’Institut français comme « l’opérateur pivot de l’action culturelle de la France à l’étranger » et que la loi de juillet 2016 le plaçait sous la double tutelle des ministères chargés des affaires étrangères et de la culture. Dans la pratique, les moyens réduits du second ministère cité ne lui ont jamais permis d’assurer pleinement cette tutelle. L’apport budgétaire modeste prévu par le ministère de la culture pour l’exercice 2018 ne réduira pas son exercice déséquilibré.


Il faut donc le reconnaître aujourd’hui, moins de dix ans après la création de l’Institut français : compte tenu de ses capacités budgétaires réduites, cette instance n’a jamais pu jouer le rôle de coordinateur de l’action culturelle et scientifique de l’État à l’étranger qui lui était dévolu.


Avec le projet de budget pour 2018, c’est une bonne partie des activités culturelles de la France à l’étranger qui sont considérablement réduites : j’en veux pour exemple la suppression de cinquante-deux emplois au sein de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, l’AEFE.


Monsieur le secrétaire d’État, il y a quelques instants, vous nous disiez que nous étions à l’os : en l’occurrence, nous attaquons la moelle ! (Sourires.)

La disette favorise rarement l’échange et la collaboration. Elle pousse au contraire les survivants à défendre ce qui leur reste !


Plus généralement, et en conclusion, je m’interroge sur la volonté politique de notre pays de développer et, pis encore, de maintenir le rayonnement de sa culture et de sa langue à l’étranger.


Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.


M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, vous parlez d’un contrat d’objectifs et de moyens « chimérique » – c’est le qualificatif que vous avez employé. Le Gouvernement n’en a pas moins l’envie d’agir, et de faire au mieux.
Le jugement que vous portez est très sévère. Pour ma part, je me réfère aux bons auteurs et aux bonnes sources : dans leur rapport, Jacques Legendre et Hélène Conway-Mouret ont effectivement tiré la sonnette d’alarme. Mais ils ont reconnu que, depuis sa création, l’opérateur avait imposé sa marque.
Certes, comme Mme la présidente de la commission l’a souligné, les moyens de l’Institut français ont été réduits, en l’espace de quelques années, dans des proportions significatives. Dès lors, une stratégie de ciblage des actions a été menée.


Il y a donc bien une stratégie. En particulier, l’action de l’Institut a été déployée en priorité vers des pays identifiés en vertu de leur fort potentiel, que ce soit en Afrique francophone, aux Caraïbes ou sur les rives sud et est de la Méditerranée. S’y ajoute un certain nombre de pays prescripteurs ou émergents en Europe.


Sur cette base, on a établi une cartographie de trente-neuf pays à fort potentiel, sur lesquels il conviendrait de concentrer davantage les moyens. En parallèle, on peut prévoir des actions complémentaires vers des zones auxquelles la France a peut-être moins de moyens à consacrer. Il faut notamment faire en sorte que le tissu associatif des alliances françaises garantisse des relais efficaces et utiles.


Quoi qu’il en soit, je récuse le terme « chimérique » : avec les moyens mis à leur disposition, les agents de l’Institut français font des trésors ! Leur travail porte ses fruits, à preuve le classement que j’ai précédemment évoqué : selon une récente étude universitaire, la France est placée en tête du classement pour ce qui est du rayonnement dans le monde.