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Groupe Communiste, Républicain, Citoyen et Écologiste

L’addiction aux écrans peut devenir une plaie qui nuit aux rapports humains

Lutte contre l’exposition précoce des enfants aux écrans


Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteur – j’ai plaisir à utiliser exclusivement le féminin, ce qui est rare ! (Sourires.) –, sous la conduite de sa présidente, Mme Catherine Morin-Desailly, notre commission mène une réflexion de fond sur les apports bénéfiques, les risques et les dangers de l’introduction massive des outils numériques dans l’éducation, la culture, la connaissance et, in fine, dans nos vies quotidiennes.


Elle tente de conduire ce travail de façon consensuelle, en questionnant les acteurs du numérique, dans leur diversité, et en essayant de se détacher des sollicitations et des contingences d’un monde qui s’abandonne de plus en plus aux effets de la communication éphémère, au règne de l’immédiateté et à la dictature de l’instant.


Dans cette démarche ambitieuse de construction, par le droit, de normes régulatrices de l’espace numérique, il était judicieux de s’intéresser, ab ovo, aux plus jeunes et de mettre en garde leurs parents contre une exposition précoce aux médias qui s’y déploient. Le cœur informatique de ces processus étant difficile à appréhender par la loi, la présente proposition de loi s’intéresse donc à l’écran comme principal vecteur de transmission.


Néanmoins, et je crois que vous ne nous avez pas compris, madame la secrétaire d’État, ce n’est pas sur l’objet lui-même que nous nous proposons de légiférer, mais sur les processus qu’il met en jeu ou, plus précisément encore, sur leurs conséquences pour les apprentissages cognitifs des jeunes enfants.


Les trois articles qui sont visés à l’article unique du présent texte seront introduits dans le code de la santé publique, mais il est vrai qu’ils auraient pu aussi enrichir le titre Ier du livre II du code de l’action sociale et des familles, si celui-ci ne renvoyait déjà précisément au code de la santé publique. Dans l’absolu, ces dispositions pourraient constituer les prémices d’un code de la santé mentale qui reste à écrire !


Aussi, madame la secrétaire d’État, je vous exprime une nouvelle fois notre surprise quand vous nous dites que « les données manquent quant à l’ampleur de l’exposition des enfants de moins de trois ans aux écrans, et surtout quant aux effets d’une surexposition des très jeunes enfants aux écrans ».


Notre commission reçoit régulièrement un spécialiste des neurosciences qui nous a expliqué très exactement l’inverse. Je veux parler de votre collègue Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale du gouvernement auquel vous appartenez aussi. Permettez-moi de reprendre plusieurs de ses déclarations sur le sujet. Ainsi, à propos des téléphones portables, il nous expliquait que leur « usage peut empêcher la construction d’une sociabilité harmonieuse, essentielle au développement des enfants ». De façon plus générale, il déclarait récemment : « l’addiction aux écrans peut devenir une plaie dans nos sociétés, qui nuit aux rapports humains », ou encore : « il faut protéger les enfants contre l’addiction aux portables », et enfin : « il faut éviter que les enfants soient devant les écrans de manière abusive, notamment avant l’âge de sept ans. » (Mmes Françoise Laborde et Catherine Morin-Desailly, rapporteur, marquent leur approbation.)


Vous nous accorderez, madame la secrétaire d’État, que la présente proposition de loi répond fort opportunément à cette injonction ministérielle.


Sur le fond, et sans poursuivre l’énumération un peu cruelle de ces incohérences gouvernementales, vous me permettrez de saisir l’opportunité de l’examen de cette proposition de loi, qui sera adoptée céans à l’unanimité, tant elle emporte l’adhésion, pour souligner combien il aurait été utile que votre gouvernement engageât une véritable réflexion interministérielle sur le numérique et ses usages. Je parle au passé, car nous avons constaté avec regret que M. Mounir Mahjoubi, dont le secrétariat d’État chargé du numérique était auparavant directement rattaché au Premier ministre, dépend maintenant du ministre de l’économie et des finances. Cette rétrogradation dans l’organigramme marque un manque de volonté politique dans l’appréhension du numérique dans toutes ses dimensions.


Certes, le numérique peut être un outil puissant de transformation de l’économie et de l’administration. Néanmoins, il est indispensable de protéger nos concitoyennes et nos concitoyens lorsque son déploiement a pour conséquence de porter atteinte aux libertés individuelles ou de les mettre en garde contre son usage immodéré. Sur tous ces points, nous aurions aimé entendre le secrétaire d’État chargé du numérique.