Fondation du patrimoine
Mes chers collègues, vous allez me faire mal voir de mes camarades ! (Sourires.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi examinée ce soir peut sembler modeste dans les objectifs qu’elle vise.
Néanmoins, les travaux préparatoires et le rapport réalisé pour organiser nos débats dressent un bilan lucide et éclairé des missions et des moyens d’action de la Fondation du patrimoine, plus de vingt ans après sa création. J’en remercie très sincèrement nos deux collègues, la sénatrice Dominique Vérien et le sénateur Jean-Pierre Leleux, dont la fréquentation éclairée des choses patrimoniales a donné une grande valeur aux observations de son rapport.
Ce document rappelle que la Fondation du patrimoine a été conçue sur le modèle du National Trust britannique, mais qu’elle n’a jamais réussi à se développer avec la même ampleur que cette noble institution d’outre-Manche.
Les conditions de sa création expliquent cet échec relatif. Le National Trust a été fondé en 1895 et s’est déployé grâce à l’acquisition de biens, la mobilisation de volontaires et l’extension progressive, mais continue, de ses missions premières, dans un espace où il était quasiment seul.
La Fondation du patrimoine est au contraire une jeune institution qui a dû trouver sa place et prouver son utilité à côté de structures plus anciennes et mieux établies. Son développement était ainsi contraint par les champs de compétence de nombreux organismes qui ont peu changé leurs pratiques à son contact.
Plus de vingt après, vous dressez un constat que je partage, monsieur le rapporteur : il faut abandonner pour la Fondation du patrimoine le projet de constituer un National Trust à la française. Nous devons au contraire repenser ses missions et son action, en complémentarité avec celles qui sont exercées par les autres acteurs de la protection et de la mise en valeur du patrimoine.
Je partage l’idée défendue dans le rapport que la Fondation du patrimoine doit prioritairement s’attacher « à l’identification, à la préservation et à la mise en valeur du patrimoine non protégé », ainsi que le prévoit l’article L. 143-2 du code du patrimoine.
Par facilité administrative, et parce que son statut lui permet de collecter plus facilement les fonds privés, la Fondation du patrimoine s’est vue confier, nolens volens, des missions pour des monuments classés ou inscrits. Nombre d’entre eux correspondent très peu à la catégorie du « patrimoine de proximité », qui aurait dû continuer à constituer le cœur de ses missions.
Sa participation imposée aux activités de la mission de sauvegarde du patrimoine, confiée par le Président de la République à M. Stéphane Bern, a eu pour effet d’accroître cette dispersion et de l’éloigner encore davantage de son objet premier. La Française des jeux sera bientôt privatisée. Il conviendra alors de s’interroger sur l’intérêt pour la Fondation du patrimoine d’assurer ce portage financier dans le cadre de la mission de sauvegarde.
Plus fondamentalement, la loi de 1996 a confié à la Fondation du patrimoine un rôle essentiel d’identification des biens mobiliers ou immobiliers ni classés ni inscrits. Il est urgent de dresser le bilan de son action dans son domaine et, surtout, d’évaluer la manière dont elle a pu l’exercer en complément des travaux réalisés par les collectivités et les services de l’État.
Le départ des services de l’inventaire vers les régions nous oblige à nous demander de quels outils nous disposons à l’échelon national pour apprécier la variété du patrimoine dit « de proximité » et sa vulnérabilité, et à nous interroger sur les politiques qu’il faudrait mettre en œuvre pour sauvegarder et, parfois, protéger par le classement des éléments du patrimoine qui sont aujourd’hui à la fois menacés et négligés.
Lors de l’examen de ce texte en commission, j’ai cité l’exemple du patrimoine agricole. Il se compose de bâtiments, de machines et d’outils qui témoignent d’une civilisation qui disparaît progressivement sous nos yeux, et dont il est nécessaire de réfléchir urgemment à la sauvegarde.
Ces actions thématiques doivent être organisées en associant tous les acteurs de la gestion du patrimoine : les collectivités, les services de l’État et la Fondation du patrimoine, bien entendu.
La multiplicité des intervenants, auxquels vient s’ajouter depuis peu la mission de sauvegarde du patrimoine, peut conduire à une fragmentation de la connaissance et de la prise en charge de ce dernier. Cette proposition de loi et l’excellent rapport qui l’accompagne doivent nous inciter à entreprendre rapidement un bilan de la cohérence de l’action de toutes ces institutions et de l’efficacité des multiples dispositifs d’inventaire et de sauvegarde.