Loi de finances pour 2021 : culture
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le budget qui nous est proposé comporte d’indéniables mesures financières en faveur de la culture.
De la même façon, il convient de reconnaître que le Gouvernement a consacré, cette année, des moyens budgétaires considérables pour aider les opérateurs, les entreprises et les artistes. À ce titre, l’aide forte apportée aux intermittents du spectacle distingue notre pays de ceux dans lesquels les compagnies sont dissoutes et les musiciens invités à changer de métier.
M. Julien Bargeton. Bravo !
M. Pierre Ouzoulias. Néanmoins, cette exception culturelle ne constitue pas une garantie absolue de sa préservation, et avec les difficultés reviennent les incertitudes sur l’essentialité de la culture et l’impérieuse nécessité d’accéder aux biens et aux services culturels.
Plus que tout autre, le monde de la culture doit justifier en permanence son utilité. Cela le fragilise, mais cela lui donne aussi une grande force, car chacun de ses acteurs sait qu’il défend beaucoup plus qu’une activité. Dans le cadre de leur mission, les parlementaires de la commission de la culture que nous sommes partageons cet engagement militant, mais mesurons aussi pleinement la difficulté de notre sacerdoce.
Tout en saluant les mesures d’aides mises en œuvre par l’État et les collectivités, nous pressentons confusément qu’elles risqueraient in fine d’être insuffisantes si la vie culturelle ne se rétablissait pas rapidement, dans les meilleures conditions sanitaires et économiques.
La crise pandémique a montré l’extrême dépendance de nos institutions et de nos entreprises culturelles aux soutiens de toutes natures. Ce constat nous oblige à poursuivre ces actions au risque de tout perdre. Déjà se pose la question de la possibilité d’organiser les festivals et de pouvoir donner du travail à tous les intermittents, alors que leur année blanche s’achèvera cet été.
D’autres secteurs de la culture ont été tout aussi fortement touchés, mais les pertes de ressources ont peut-être été moins perceptibles. Je pense particulièrement à la filière du patrimoine et de l’architecture, dont le chiffre d’affaires global a sans doute été amputé du tiers.
Je reconnais l’effort budgétaire sans précédent consenti pour les monuments historiques. Toutefois, avec notre rapporteur de la commission de la culture, Philippe Nachbar, dont je salue la qualité de l’analyse, je note la part prépondérante des grands monuments dans la liste des restaurations projetées et, dans celle-ci, le très grand nombre des bâtiments appartenant à l’État.
Les conditions calendaires imposées pour la mise en œuvre du plan de relance imposaient certainement ces choix. Néanmoins, ils accentuent des déséquilibres récurrents que notre commission dénonce régulièrement en faveur d’un patrimoine très parisien, aux dépens d’un petit patrimoine plus rural, moins visible et un peu délaissé. Les moyens drainés par le loto du patrimoine ne suffiront pas à sa préservation.
La mobilisation de ce croît budgétaire pose plus fondamentalement la question récurrente des moyens humains dont disposent encore les directions régionales des affaires culturelles pour préparer les dossiers de restauration et pour aider les collectivités de petite taille à les porter.
La capacité de l’État à assurer sa mission d’aide à la maîtrise d’ouvrage est déterminante, car elle interroge finalement le rôle de l’administration culturelle de l’État en région et son aptitude à soutenir localement un effort décidé nationalement. Il serait très dommageable que la mise en œuvre des moyens budgétaires supplémentaires de l’État soit compromise par l’insuffisance des moyens humains des Drac.
Parmi les édifices qui recevront la manne, certains choix posent question. Je pense, notamment, au château de Villers-Cotterêts. La nécessité de sa restauration est indiscutable, mais les délais de réalisation nous semblent peu réalistes, même si nous avons bien compris que l’achèvement des travaux devait coïncider avec celui de l’actuel quinquennat…
Par ailleurs, comme l’an passé, je m’interroge sur les missions, le programme, le fonctionnement et la pérennité de la Cité internationale de la langue française, que le château de Villers-Cotterêts devrait accueillir.
Je partage totalement l’idée d’une action résolue de la puissance publique en faveur de la défense et de l’illustration de la langue française, mais je suis persuadé qu’une telle politique doit mobiliser un grand nombre de ministères : elle ne peut être seulement portée par celui de la culture.
Comme l’an passé, l’exécution de ce budget devra être suivie avec grande attention par notre commission, non seulement pour s’assurer de son adéquation avec les urgences du moment, mais aussi pour vérifier que le ministère de la culture a encore les moyens humains de ses ambitions.