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Groupe Communiste, Républicain, Citoyen et Écologiste

Les archives sont des éléments constitutifs de l’État de droit.

Prévention d’actes de terrorisme et renseignement

Intervention générale en séance le 29 juin 2021


Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, Cher-es Collègues,


Nous devons à la Révolution française le principe selon lequel les archives, par leur gestion et leur communication, sont des éléments constitutifs de l’État de droit, de la citoyenneté démocratique et de la construction de la mémoire de notre nation. Dans un rapport rendu au premier ministre en 1996, Guy Braibant exprimait ainsi ces relations : « il n’y a pas d’histoire sans archives […], il n’y a pas d’Administration sans archives […], il n’y a pas de République sans archives ».


Pourtant, ces sages principes ont toujours été empêchés dans leurs applications par les réticences, les obstructions et les dissimulations d’administrations qui se considéraient comme les seules propriétaires des actes publics qu’elles produisaient et qui s’arrogeaient la licence de décider de leur publicité.


Les lois de 1978 sur l’accès aux documents administratifs et de 1979 sur les archives ont eu pour projet d’organiser les droits des citoyens à connaître de leur administration au présent et dans le temps. La loi de 2008 a conforté ces dispositifs. Portée par le Gouvernement, elle a bénéficié des travaux et des apports essentiels de la commission des lois du Sénat, en la personne de son rapporteur le Sénateur René Garrec, et de la commission de la culture à l’initiative de la Sénatrice Catherine Morin-Desailly.


Cette loi de 2008 réaffirme le principe fondamental de la libre communication des archives publiques à laquelle ne peuvent être opposées que des dérogations consenties et garanties par le législateur.


Dans la pratique, elle confère au ministère de la culture une mission interministérielle de coordination, de contrôle et de promotion des politiques publiques des archives.


Cet édifice législatif a été ébranlé en 2011 et en 2020 par deux instructions générales interministérielles qui ont imposé, sous la forme administrative subalterne de l’arrêté, la prééminence du code pénal sur le code du patrimoine et qui ont organisé l'incommunicabilité des documents produits il y a plus de cinquante ans parce qu’ils étaient classés au titre du secret de la Défense nationale. Ainsi, des documents qui étaient librement disponibles ont dû faire l’objet de procédures de déclassification pour être de nouveau accessibles.


À la suite d’un recours auprès du Conseil d’État, son rapporteur public a considéré que cet arrêté était illégal. Selon lui, la communication des documents classés de plus de cinquante ans est organisée par le seul code du patrimoine et ils sont donc communicables de plein droit à l’expiration de ce délai. Néanmoins, il considère qu' exceptionnellement les administrations peuvent ne pas autoriser leur divulgation quand ils représenteraient « une menace grave pour la sécurité nationale ».


Avec le rapporteur du Conseil d’État, nous regrettons que des moyens humains considérables aient été consacrés à la déclassification d’environ un million de pièces, que des travaux des historiens aient été entravés et que des domaines entiers de la recherche aient été délaissés à la suite d’une analyse juridique aussi peu assurée.


Continuant à arguer de la nécessité d’une harmonisation législative entre le code du patrimoine et le code pénal, le Gouvernement a introduit dans le présent projet, quelque peu cavalièrement, l’article 19 qui institue un nouveau régime dérogatoire pour certains des documents déjà soumis au délai d’incommunicabilité de cinquante ans.


Peut-être aurait-il été de bonne politique d’attendre la décision du Conseil d’État et de ne pas légiférer dans l’extrême urgence alors que le rapporteur public considère que l’administration peut toujours appliquer les dispositions du code du patrimoine « à la lumière de l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation ». Par ailleurs, notre commission regrette que le Conseil supérieur des archives et la Commission d’accès aux documents administratifs n’aient pas été consultés sur cette révision importante de la loi de 2008.


À l’unanimité de ses membres, la commission de la culture du Sénat a exprimé ses fortes réticences à voter, en l’état, un article qui révise le principe de la loi de 2008 en faisant porter sur les lecteurs et les services des archives la charge de la détermination de la communicabilité des documents.


La commission de la culture a fait plusieurs propositions, dans le respect du principe constitutionnel de sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation, pour que les administrations réalisent le récolement de leurs fonds en fonction des nouvelles normes de communication et en informent les usagers des archives. Nous regrettons qu’elles n’aient pas été entendues. Aussi, notre commission en restera à l’opposition exprimée par tous ses membres.