Budget européen
Explication de vote pour le groupe CRCE. Article 27 du projet de loi de finances 2018 : participation de la France au budget européen
Madame la présidente,
Madame la ministre,
chers collègues,
notre débat sur la participation de la France au budget de l’Union européenne intervient en un moment très particulier. En effet, dans un rapport publié le 16 novembre dernier, la Cour des comptes européenne dressait un bilan accablant des trois plans européens prétendument destinés à « aider » la Grèce. Dans le même temps, nous apprenions que la Banque centrale européenne avait réalisé 7,8 milliards d’euros de plus-values entre 2012 et 2016 sur ses rachats de titres grecs et qu’elles seraient redistribuées aux banques centrales nationales de la zone euro. Ainsi, le budget dont nous discutons aujourd’hui est nourri des misères imposées au peuple grec, de la même façon que Kronos, « le dieu aux pensées fourbes », dévorait ses enfants pour assurer son pouvoir.
Après sept années de gestion directe de la Grèce par la troïka, ce pays est exsangue. La politique dogmatique et implacable de la Commission européenne a consisté à réduire drastiquement les dépenses publiques et à augmenter sans fin, dans les mêmes proportions, la pression fiscale. Cette saignée a eu les mêmes résultats que les purges imposées par le pseudo-médecin Diafoirus de Molière à ses patients, qui mouraient guéris.
Après cette cure dévastatrice, la Cour des comptes européenne constate que la pauvreté de la Grèce est terrible, que les jeunes actifs ont quitté le pays, que l’économie est toujours aussi atone, que le système financier est totalement délabré et que la dette est à un niveau tellement insoutenable qu’il est douteux qu’elle puisse être remboursée un jour. La même Cour considère que les politiques économiques appliquées à la Grèce étaient totalement inappropriées et conclut son bilan par ce constat : « En l’absence de feuille de route stratégique pour stimuler les moteurs potentiels de la croissance, la stratégie d’assainissement budgétaire n’a pas été propice à la croissance. »
Gardons à l’esprit cette appréciation, nous qui allons voter, pour notre pays, un budget dont l’esprit est très proche de celui qui a été imposé à la Grèce. Il est à craindre en effet que l’austérité sévère que vous imposez à la dépense publique et la ponction fiscale supplémentaire dont vous affligez les foyers qui gagnent le moins aient des conséquences désastreuses sur la consommation.
Ces efforts supplémentaires ont été jugés insuffisants par la Commission européenne, qui considère que le déficit structurel de la France va continuer de s’accroître dans des proportions qu’elle estime à 0,4 point de PIB. Sur cette pente et dans la logique de l’ordolibéralisme, les efforts ne vont jamais assez loin.
Des organismes internationaux, comme le FMI et l’OCDE, recommandent l’abandon de cette politique de l’offre pour engager une politique volontaire de soutien de la demande. Pourquoi ne sont-ils pas entendus par la Commission européenne et le Gouvernement ?
Le Portugal a eu le courage politique de sortir des ornières dans lesquelles on voulait le maintenir en augmentant le salaire minimum de 15 %, en réduisant le temps de travail des fonctionnaires, en bloquant les privatisations et en relançant des grands projets d’aménagement. Ces mesures l’ont engagé dans un cercle vertueux de croissance qui le place aujourd’hui dans une situation sociale et économique bien meilleure que celle de la France et qui lui permet même de respecter les critères de la Commission européenne avec un déficit public ramené à 1 % en 2018. Une autre politique budgétaire est donc possible !
La France, parce qu’elle est l’un des principaux contributeurs au budget de l’Union européenne, dont elle apporte 15 % du montant total, et parce qu’elle verse 5 milliards d’euros en sus de ce qu’elle reçoit, aurait toute légitimité pour demander à la fois un bilan critique des politiques économiques coercitives mises en œuvre par la Commission et un examen poussé de l’efficacité du budget de l’Union européenne ainsi que de la pertinence des actions entreprises.
En effet, il y a urgence à renouer le lien social entre l’Europe, ses citoyennes et ses citoyens. L’essor continu et général des partis d’extrême droite racistes et xénophobes, y compris en Allemagne, et les mesures ouvertement contraires aux valeurs humanistes européennes par lesquelles plusieurs États de l’Union y répondent sont autant de symptômes de la crise sérieuse traversée par l’Europe. Elle est de moins en moins perçue comme l’horizon d’attente d’une construction politique au service de la paix et de l’émancipation humaine et de plus en plus comme un empilement de structures bureaucratiques à la disposition d’un pouvoir économique qui agit contre l’intérêt des peuples.
Nous avons besoin d’une nouvelle Europe qui les protège et les aide dans leurs projets d’émancipation, une Europe qui encourage la constitution d’une communauté fondée sur le partage de nos valeurs communes. La froide rigueur comptable de cet article 27 ne contient rien de tout cela. Nous voterons contre.