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Avenir du lycée professionnel Jean Monnet de Montrouge

Fermeture prévue de la filière bois


Compte-rendu intégral de la Question orale


M. Pierre Ouzoulias
Monsieur le ministre, ma question porte sur l’avenir du lycée Jean-Monnet de Montrouge, dans les Hauts-de-Seine, un lycée prestigieux et ancien, qui fut inauguré par Edgar Faure et Léopold Sédar Senghor en 1955.
L’été dernier, le conseil régional d’Île-de-France a financé à hauteur de 300 000 euros la rénovation complète de l’atelier de menuiserie.
Connaissant les difficultés budgétaires de toutes les collectivités, je ne peux concevoir que la région ait investi autant d’argent dans une structure obsolète et j’imagine donc que vos services, monsieur le ministre, l’ont encouragée à effectuer cette rénovation.
Je ne comprends donc pas pourquoi le rectorat a décidé, aujourd’hui, de fermer la classe de seconde professionnelle. Au-delà, je m’interroge sur l’avenir de ce lycée, qui rend pourtant des services indispensables à de nombreuses communes du sud des Hauts-de-Seine.
Vous allez me répondre que la fermeture s’impose par manque d’élèves, monsieur le ministre.
Je me permets de vous rétorquer, par prolepse, que cette fermeture a été organisée malheureusement de longue date, en réduisant, et sans contrainte d’effectifs, les formations qu’il accueillait.
Je pense notamment à la suppression du CAP, il y a cinq ans, alors que cette formation était appréciée des professionnels et qu’elle permettait à des jeunes de poursuivre leurs études en lycée.
Le rectorat souhaite aujourd’hui diriger les élèves vers d’autres lycées professionnels du département. Si ces établissements ont une meilleure fréquentation, c’est justement parce qu’ils ont gardé cette pluralité d’offres.
Je connais votre attachement sincère à l’enseignement professionnel, monsieur le ministre. Je vous demande donc de me faire connaître les mesures que vous souhaitez prendre pour sauver le lycée professionnel de Montrouge et son atelier de menuiserie. Des professeurs et des élèves de ce lycée sont présents en tribune pour vous témoigner du prix qu’ils accordent à votre réponse.


M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale
Je vous remercie de votre question, monsieur le sénateur Pierre Ouzoulias. Je salue également la communauté éducative du lycée Jean-Monnet.
Bien entendu, ce lycée, dont vous avez rappelé l’histoire, n’est pas menacé, au-delà du sujet spécifique de la filière bois.
Je voudrais dire d’emblée que je partage l’esprit de votre question, monsieur le sénateur. Vous avez bien voulu reconnaître mon attachement à l’enseignement professionnel, et je pense que nous devons être tout particulièrement attentifs à ce type de formation dans le contexte actuel, à l’heure où un certain renouveau de l’économie renforce les besoins dans ces domaines.
Comme vous l’avez souligné, le véritable problème structurel tient au manque de candidatures pour ces filières. C’est sur ce point que nous devons agir dans le futur.
Pour lutter contre cette désaffection des élèves, le rectorat réunit régulièrement, depuis trois ans, les établissements, lycées et CFA - centres de formation d’apprentis -, ainsi que les branches professionnelles du bâtiment, afin de mener des actions de promotion. Il semblerait que ces actions aient été insuffisamment efficaces jusqu’à présent. Le conseil régional d’Île-de-France a été saisi de cette problématique, mais en coordination avec le rectorat.
Le département des Hauts-de-Seine se caractérise également par une offre importante de formations dédiées aux métiers du bois dans le même secteur géographique. Quatre établissements proposent en effet des formations dans ce domaine : le lycée Louis-Blériot, de Suresnes, le lycée de Prony, à Asnières, le lycée Jean-Monnet de Montrouge et le CFA consulaire ou Écoles des éco-activités de Gennevilliers.
Une sorte de concurrence s’opère donc entre ces établissements et le baccalauréat professionnel de technicien, menuisier, agenceur, et la formation, parce qu’elle est isolée et sans autre diplôme dans ce domaine pour la compléter, peine à trouver son public.
J’entends vos arguments sur la disparition du CAP voilà cinq ans. On peut sans doute la déplorer, mais, de fait, cette année, seuls sept élèves ont demandé à intégrer la formation. Finalement, neuf s’y sont inscrits.
Face à ce contexte qui dessert les établissements, il a été décidé de fermer le pôle « bois » du lycée Jean-Monnet afin de resserrer l’offre autour des autres lycées et CFA du département.
Par ailleurs, compte tenu des enjeux liés au Grand Paris et des besoins à venir dans les métiers du bâtiment, une réflexion est engagée avec l’établissement pour enrichir l’offre de formations dans le domaine du gros œuvre, qui fait l’identité de cet établissement en tant que lycée des métiers.
J’ajoute que le rectorat, soucieux du respect des personnels et de leur engagement, a bien entendu maintenu les postes de professeurs concernés, de façon à ce que la vocation de ce lycée puisse perdurer.
Je m’engage toutefois à réexaminer la situation avec le rectorat, car je suis sensible aux arguments que vous avez exprimés sur ce sujet d’avenir, monsieur le sénateur. Sur ces dossiers, nous devons avoir une vision géographique d’ensemble, mais nous devons aussi, comme il est normal, regarder au plus près si cette formation ne correspond pas toujours à un besoin.


M. Pierre Ouzoulias
Monsieur le ministre, j’ai entendu vos engagements fermes envers cet outil exceptionnel qu’est le lycée Jean-Monnet.
Le lycée professionnel est au fond le seul vrai lycée généraliste, le seul qui s’adresse à l’intelligence de l’esprit comme à l’intelligence de la main, ce que ne font pas les filières dites « généralistes ».
Aujourd’hui, nous devons trouver ensemble une solution pour que davantage de jeunes, notamment issus des quartiers en difficulté de Bagneux, Malakoff ou Montrouge, se dirigent vers cette voie. Je me tiens à votre disposition pour travailler sur le sujet.
Par ailleurs, vous avez évoqué les capacités offertes par d’autres lycées professionnels situés plus au nord dans les Hauts-de-Seine. Je les connais, mais sincèrement, une telle solution n’est pas réaliste au regard des conditions de transport en région parisienne : envoyer un gamin à Suresnes, c’est deux heures de trajet par jour, ce qui est évidemment dissuasif ! Il faut savoir qu’il est aujourd’hui quasiment plus difficile de se déplacer en banlieue parisienne que dans les territoires ruraux…
C’est pourquoi, monsieur le ministre, nous avons besoin d’une telle offre dans le sud des Hauts-de-Seine. J’ai bien entendu vos engagements, ils sont précieux et je les apprécie à leur juste valeur. Vous êtes manifestement attaché à l’enseignement professionnel et, comme je vous l’ai dit, je suis à votre disposition pour travailler avec vous sur ces sujets.