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Groupe Communiste, Républicain, Citoyen et Écologiste

Plus la dématérialisation progresse, plus elle laisse de personnes à la marge.

Lutte contre l’illectronisme

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous remercions vivement le groupe RDSE d’avoir pris l’initiative de créer une mission d’information sur la fracture numérique sociale et générationnelle et de soumettre à l’examen de notre Haute Assemblée une proposition de loi qui reprend quelques préconisations de cette mission.


Nous partageons totalement le constat global : « La dématérialisation de l’action publique ne doit pas aboutir à la suppression des guichets et à la déshumanisation du service public. »


Alors que le désir de vaccination occupe les esprits de tous nos concitoyens, nous mesurons, en tant qu’élus de terrain, les angoissantes difficultés qu’éprouvent certains d’entre eux pour obtenir un rendez-vous ou des informations sur les sites accessibles uniquement par les réseaux numériques. Nous sommes nombreux dans cette assemblée à leur avoir apporté un soutien essentiel pour leur permettre de profiter d’une aide qui aurait dû leur être fournie directement, sans l’intermédiaire d’un serveur informatique désespérément binaire. Combien de nos concitoyens âgés ne sont toujours pas vaccinés par défaut de connexion ou de maîtrise du numérique ?


M. Christian Bilhac. Bonne question !


M. Pierre Ouzoulias. D’une manière plus générale, nous remarquons, avec les auteurs de ce texte, que plus la dématérialisation des services progresse, plus elle abandonne à ses marges des populations qui se trouvent exclues par manque d’équipement, de compétence ou de réseau performant. Leur éviction de facto de l’accès aux services publics numérisés les oblige souvent à recourir à des intermédiaires, qui leur font payer cette aide. C’est le retour de l’écrivain public qui vend ses compétences informatiques, comme jadis l’écrivain de rue faisait commerce de sa maîtrise de l’écrit et des formes d’interpellation des autorités publiques.


De plus en plus, les collectivités apportent gratuitement ce service à leurs administrés menacés par l’exclusion numérique, y compris dans les territoires urbains, qui ne sont pas épargnés par un tel processus. Tout se passe comme si les administrations nationales reportaient sur les collectivités la charge de l’aide aux populations rejetées par une numérisation exclusive.


Cette proposition de loi a le grand mérite d’alerter l’État sur les difficultés éprouvées par nos concitoyens et de rappeler justement l’importance du droit au guichet, tel que l’avait défini le Défenseur des droits dans son rapport de 2019.


Néanmoins, elle ne peut pas contraindre l’État à mettre un terme à une dérive générale qui, par souci d’économie, remet en question la notion même de service public. Assurer une mission de service public, ce n’est pas délivrer une prestation technique dans l’ignorance volontaire des spécificités sociales ou territoriales des usagers. En déshumanisant de la sorte sa relation aux citoyens, l’État condamne le service public, parce qu’il le met en concurrence avec des services privés, qui n’ont pas les mêmes obligations de résultat.


Une mission de service public se doit au contraire, au nom du pacte républicain, d’apporter une aide, une allocation, des droits adaptés à la situation personnelle de tous les citoyens, afin de n’en oublier aucun et de rendre effectif le contrat social qui nous unit au sein de la Nation.


Nous voterons en faveur de ce texte dans l’espoir qu’il constitue la première étape d’une réflexion plus globale sur le rôle des services publics dans la refondation républicaine des relations entre l’État et les citoyens.